La lumière entre par la porte-patio et s’étire de tout son long dans la pièce.
Devant moi, la table est mise. Les feutres, les crayons de bois, les stylos de couleurs, les pastels. Chacun attend dans les contenants bien alignés le moment où ils pourront donner vie à une émotion, une idée, un rêve.
Assise à mon bureau, j’observe mon espace créatif au repos. Je m’imprègne du silence d’avant l’expérience du groupe, où chaque personne arrivera avec son énergie, pour participer à un atelier où je leur proposerai des exercices qui leur permettront de se recentrer, tout en s’amusant.
Pour l’instant, le lieu est calme. Comme suspendu par une journée sans vent. Ou du moins, à peine une brise légère, celle de mon souffle.
J’ouvre mon journal sur une page blanche et je trace trois cercles. Dans le premier, je griffonne les couleurs qui reflètent comment je me sens en ce moment. Je ne réfléchis pas. Je laisse ma main se diriger vers le pot de crayons et extraire spontanément la couleur qui miroite mon état présent. Dans le deuxième cercle, je rédige mes intentions et objectifs pour cet atelier. J’écris en spirale, suivant le contour intérieur du rond jusqu’en son centre. Pour le troisième cercle, je pige une carte dont la courte phrase m’accompagnera pour l’avant-midi. À la fin de chaque animation, je suis sidérée de reconnaître que la carte pigée s’est révélée une bienveillante alliée.
Afin de bien me préparer à accueillir le groupe, je prends un instant pour me connecter à ma respiration. Je choisis un pastel sec, j’inspire, et pour l’expiration, je dépose la craie sur le bas de la feuille et je laisse le pigment tracer une ligne vers le haut, jusqu’au bout de mon souffle. J’inspire à nouveau, ramenant le crayon au bas de la page, et je recommence, expirant la couleur sur la page. Au fur des respirations, chacune d’elles ralentit et s’approfondit, de même que le trait se fait plus long, allant parfois jusqu’à sortir du cahier.
Cet exercice m’aide à me recentrer et à me détendre, à me ramener à moi. Je l’utilise souvent lorsque je me sens agitée. Je l’affectionne particulièrement avant une animation, qui me demandera une présence constante, sensible et vigilante.
La sonnette retentit. Je contemple une dernière fois l’environnement qui, dans quelques instants, s’animera des voix, des rires, et des couleurs des personnes inscrites à l’atelier «prendre un moment pour soi».
***
Je referme la porte derrière la dernière participante.
Le silence qui suit n’est en rien similaire au silence qui a précédé l’animation. Celui-ci repasse la douce mélodie de la présence du groupe, du moment partagé ensemble, des échanges, de la confiance, du respect. Ce silence dessine un sourire sur mes lèvres et colore de rose mon cœur.
Je pivote vers le local. Des confettis de papiers colorés, de la poudre de pastel sec, des miettes de muffins. Les pots de crayons sont pêles-mêles sur les tables. Pour moi, ce joyeux désordre est le portrait d’une matinée réussie.
Le soleil s’est déplacé et s’appuie maintenant contre le mur est, juste derrière ma table de travail, que je vais rejoindre, pour relire ma page du matin.